En poussant le bouchon
un peu plus loin
Lettre ouverte au Caravage...
Pauvre cher et vénéré Maître,
Que ne vous contentâtes-vous pas de la débauche et du meurtre pour satisfaire votre goût des randonnées hors des sentiers battus… ? Pensiez-vous, en portraiturant Bacchus, ajouter au scandale la dépravation la plus basse et ignominieuse ? Ou bien n’était-ce, à vos yeux éclairés, que la représentation d’une de ces divinités joyeuses qui nous laissent du polythéisme comme un regret caché ? Hélas, comment auriez-vous pu prévoir, vous, humaniste jusqu’au bout de vos pinceaux, l’arrivée, le retour, de ces pisse-froid qui pensent faire le bien de tous en empoisonnant la vie de chacun ? Eh bien ! vous voilà mis à l’index, malheureux et vénéré maître : peindre le dieu du vin… un poivrot, fut-il olympien ! Pensez donc… Et il a l’air d’aimer ça… En plus, on dirait même qu’il tend sa coupe au spectateur ! Pochard et dealer… Du pain béni pour nos Savonarole à la petite semaine…
Mais l’heure tourne et je vais devoir maintenant vous quitter, vénéré grand Maître ; je dois annoncer la même terrible nouvelle à Véronèse car je crois me souvenir qu’aux Noces de Cana, on ne boit pas que de l’eau à bulles…
Paul Conte
